Derniers seigneurs d'ACOZ et de VILLERS-POTERIE
Le dernier seigneur d'Acoz et de Villers-Poterie fut Jacques
François
Joseph d'UDEKEM, qui tenait les deux seigneuries de sa tante Marie Thérèse Catherine d'UDEKEM, celle-ci les ayant héritées de son parent Jean-Baptiste Michel Valentin comte de Kiévrain, dernier descendant en ligne masculine de Jean MAROTTE, lequel avait acquis au XVIe siècle la seigneurie foncière d'Acoz.
Ce Jean MAROTTE (ou MAROT) , fils d'un commerçant, bourgeois de Namur, avait amassé (ainsi que son frère Nicolas, qui devint seigneur d'Arbre) une grande fortune dans la métallurgie, ce qui lui permit d'acheter, en 1543, la seigneurie foncière d'Acoz et, en 1568, la seigneurie de Boussu-en-Fagne (Principauté de Liège) ; l'aîné de ses fils étant entré dans les ordres, le second, Jean, obtint Boussu et le troisième, Antoine, la seigneurie foncière d'Acoz.
Celui-ci put acheter au roi Philippe II, en 1586, la haute justice d'Acoz avec les droits y afférents.
Son fils, Jean de MAROTTE, épousa Catherine d'Offignies, dame de Callenelle, et transmit Acoz à son
aîné Jean François, Callenelle allant au
puîné Gilles Antoine.
Jean François eut trois fils, dont aucun ne devait avoir de postérité ; en 1660, à la mort de son père, l'aîné, Louis François devint seigneur d'Acoz ; en 1675, il hérita de Boussu-en-Fagne
et changea son nom de MAROTTE en celui de Kiévrain (variantes: Kieuvrain, Kuivrain, Kuiévrain ; les auteurs modernes écrivent souvent: Quiévrain) ; la raison en était la suivante : lorsque mourut Jean II MAROTTE, seigneur de Boussu, la seigneurie échut à sa fille aînée, femme de Jean des Preitz, dit de Kiévrain ; leur petit-fils, Charles Philippe de Kiévrain, dont le père avait abandonné le
nom de des Preitz , et qui était le dernier descendant de Jean II MAROTTE,
mourut célibataire ; il avait appelé à sa succession : Louis François de MAROTTE, à son défaut les frères de celui-ci, puis, à leur défaut et au défaut de leur postérité, leurs plus proches parents «avec substitution, fidéicommis
et charge de relever le nom et les armes de Kiévrain.
Louis François de Kiévrain mourut en 1680 ; son frère Gilles Antoine
Charles releva Boussu-en-Fagne et Acoz, ainsi que le nom de Kiévrain ;
en 1705, il acquit la seigneurie de Villers-Poterie et décéda en 1726, après son cadet
Henri Joseph, mort en 1720 ; il laissait la plupart de ses biens à Jean-Baptiste Michel Valentin de MAROTTE, issu de la branche de Callenelle, arrière-petit-fils de Jean de Marotte et de Catherine d'Offignies.
Le dernier des MAROTTE (4) prit à son tour
le nom de Kiévrain, sous lequel fut, sous lequel il fut créé comte par Charles
VIe en 1727 " avec faculté d'appliquer ce titre
et le nom de Kiévrain sur quelqu'une des terres qu'il possède dans les Pays-Bas ou qu'il pourra y acquérir dans la suite
" ; il ne paraît pas qu'il ait usé de cette faculté. Il était: «tiers seigneur et prévôt héréditaire de la ville de Couvin (5), seigneur de Boussu-en-Fagne, Sainte-Monegonde, Acoz, Villers- Poterie, Lassus, Opdorp, Callenelle, Tergnies, Loxem,
etc. ». Il avait épousé Marie Thérèse baronne Hoens de Bustanzy, qui ne lui donna pas d'enfant.
Il mourut le 5 janvier 1759, ayant fait la
veille son testament: il instituait sa femme légataire universelle, exigeant toutefois que fussent vendus la seigneurie de Callenelle et les autres biens-fiefs qu'il possédait en Hainaut et cédant à Marie Thérèse Catherine d'UDEKEM les seigneuries d'Acoz
et de Villers-Poterie, dont l'usufruit devait aller à sa femme moyennant une rente annuelle de 400 florins d'Espagne.
L'héritière d'Acoz et de Villers-Poterie était la fille cadette de Michel Joseph d'UDEKEM, seigneur de Guertechin, lequel, fils unique de Catherine
de MAROTTE, tante du défunt, était le seul cousin germain de ce dernier.
La comtesse douairière de Kiévrain mourut
en 1769, Marie Thérèse Catherine d'UDEKEM en 1781 ; célibataire, elle laissa ses biens à son neveu
et filleul Jacques François Joseph d'UDEKEM, fils de Ferdinand Philippe Joseph et de Marie Barbe Thérèse de la Bawette, qui releva Acoz et Villers-Poterie le 18 juin 1782.
D'après le dénombrement du 15 mai 1783, la terre et seigneurie d'Acoz consistait en :
droit de haute, moyenne et basse justice;
droits de chasse et de pêche, d'épave, du vingtième denier à chaque mutation d'héritage par vente ou arrengement seulement, d'afforage, d'établir des officiers de justice;
cens seigneuriaux:
1) à la
Saint-Rémy: l'avoine de bourgeoisie, chaque bourgeois devant deux mesures d'avoine et 4 sols, les veuves la moitié;
2) aux Rois: une poule par bourgeois avec quelques menus cens en argent et 4 chapons, le tout faisant 8 florins et 16 sols;
une petite dîme levée sur le hameau de Lausprelle ;
le château avec ses dépendances: 3 bonniers et demi;
un canton de mauvais tilleul, appelé Monplaisir : 2 b. 1/2 ;
une forge, avec l'emplacement du vieux fourneau: 3 b. 1/2 ;
le moulin à farine avec 3 b. de prairies;
84 b. 303 v. de terres en 7 pièces, plus 14 b. de trieux et buissons;
22 b. 1 journal de prairies, vergers, étangs;
157 b. 137 v. de bois, dont les plus importants étaient le bois de Moncheret
(48 b.) et le grand bois de Floreffe (34 b.), ainsi appelé parce que l'Abbaye
de Floreffe avait autrefois possédé une seigneurie foncière à Acoz.
Les charges de la seigneurie étaient
représentées par une vingtaine de muids d'épeautre et 24 sols de rentes
annuelles dues principalement aux ecclésiastiques et aux pauvres du voisinage.
Il y avait à Acoz une chapelle, dédiée à Saint-Martin, à laquelle était annexé, sous obligation d'une messe par semaine, un bénéfice, dont le collateur était le curé de Gerpinnes.
Grâce aux recensements des paroissiens de Gerpinnes, le chiffre de la population d'Acoz nous est connu.
1763 | 1776 | 1786 | |||
ménages | habitants | ménages | habitants | habitants | |
Acoz | 32 | 130 | 33 | 148 | 158 |
Lausprelle | 29 | 95 | 27 | 106 | 136 |
Total | 61 | 225 | 60 | 254 | 294 |
Les familles qui comptaient le plus de membres étaient: à Acoz même, les BOLLE, les CORNET, les PIRMEZ, les RIDELLE, et, à Lausprelle, les BOLLE, les COLLET, les POULEUR, les RIDELLE.
Tous les documents relatifs aux assemblées de la Communauté, à la superficie des biens, à l'assiette des tailles ont été détruits. Le seul grand propriétaire terrien était d'ailleurs le seigneur; en 1787, il loua sa cense d'Acoz à 8 des frères et soeurs GILOT, qui étaient déjà ses fermiers à Villers-Poterie, y ayant succédé à leurs parents, Jean-Joseph GILOT et Anne Marie Thérèse DASSONVILLE.
Le nom de quelques-uns des membres de la
cour de justice est connu,
grâce à des pièces d'archives de Joncret se rapportant aux bois communaux d'Acoz (le Charnoy, de 45 bonniers, et la Taille, de 60 b.), sur lesquels les deux communautés avaient des droits égaux (6) :
-21 mai 1768 : Gérard PHILIPPE, lieutenant maïeur ; J.J. STAQUET, Jacques F. BESOMBES, Albert HENRY, échevins; le greffier était P.F. LEFEBVRE (sans doute de Biesme).
-30 mars 1776 : Gérard PHILIPPE, lieutenant maïeur ; J.F. BESOMBES, J-B.
BOLLE , Albert HENRY, échevins.
-3 mai 1788 : Gérard PHILIPPE, lieutenant maïeur; J.F. BESOMBES,
échevin ; le greffier étant Albert Joseph GILOT (notaire, frère des fermiers).
Des usines existaient à Acoz, sur lesquelles on manque de renseignements précis. Le «vieux fourneau», datant de plusieurs siècles, était abandonné, lorsque J. d'Udekem, en 1787, remit «tous les excréments de fer, masseaux dit craats» à Jean-Joseph CORNET, de Gougnies, «pour y construire un bocard à ses frais » , moyennant la somme de 25 louis d'or. La " neuve forge " était probablement celle que le sieur PUISSANT, de Charleroi, avait fait construire en 1762.
Albert DESTRAY
(4) D'autres Marotte existaient, venant,
non de Jean, mais de son frère Nicolas (ancêtre des MAROTTE de Montigny), ou de collatéraux.
(5) Le titre de tiers seigneur et prévôt de Couvin, attaché à la seigneur, de Boussu, était depuis longtemps devenu honorifique; Jean Marotte lui-même n'en avait jamais exercé les fonctions.
(6) les habitants de Joncret prétendaient de plus au droit de pâturage de leurs bêtes, comme l'avaient ceux d'Acoz, sur certains bois appartenant au seigneur: le bois de Moncheret, le fir et le grand bois de Floreffe ;nous ne savons comment fut tranché le différend.
Source de la
revue historique de l'Entre-Sambre-et-Meuse "l'Antiqvaire " n° 1 du 1er
trimestre 1966