Sorti de presse le 19 septembre 2014

Acoz et la guerre 1914-1918

Article de presse publié le 28 septembre 2014 dans le journal " Vers l'avenir " par Patrick Lemaire.

Partant d’une étude généalogique, un duo Gerpinnois sort un volume présentant le visage d’Acoz, il y a cent ans. Une bible.
Ce n’est plus leur arbre généalogique commun que Geneviève Lusiaux et Guy Antoine ont étudié, ces trois dernières années. De fil en aiguille, leur projet vient d’aboutir à l’édition d’un ouvrage de 256 pages sur le visage d’Acoz, il y a cent ans environ.

Tout a donc débuté par une rencontre, fortuite, sur le forum d’un site de généalogie. Deux «cousins» s’échangent des données.

- «Je viens de la région de Charleroi…

– Tiens, moi aussi…

– Je suis de l’entité de Gerpinnes.

– Moi aussi!

– J’habite à Villers.

– Moi, à Joncret!»

Ils entament des recherches, ensemble. «Nous avons encodé 80 000 fiches, sur toute l’entité», explique Geneviève. Mais le duo rencontre quelques difficultés sur Acoz. «Les Allemands ont brûlé les locaux de l’administration communale en 1914. Il manque le registre de population de l’époque. Il a été reconstitué sur base de témoignages. Mais le document comporte beaucoup d’erreurs.»

C’est alors que débute l’épopée fantastique. Au gré des recherches, ils étoffent ce qui devient «Acoz, et la guerre 1914-1918».

1. Ils décident de recréer le registre de population de 1914 et reprennent chaque habitant du village, par ordre alphabétique, ave son lieu de résidence et ses filiations, et même une illustration.

2. De là, ils s’intéressent aux victimes militaires du village.

3. Tant qu’à faire, les voilà en train d’y ajouter tous les combattants. «Nous avons dès lors consulté le dossier de chaque militaire. Ce fut difficile car il n’existe pas de liste des anciens combattants de la guerre 14-18 en Belgique. Nous en avons trouvé beaucoup plus que ce que l’on ne pensait.» On y reprend chaque personne née ou ayant vécu à Acoz, une petite synthèse, puis l’arbre généalogique de certaines familles.

4. Le duo se laisse entraîner: les victimes civiles, au nombre de quatre, sont répertoriées de la même manière, avec quelques documents du curé Druet, abattu par les Allemands.

5. Les victimes militaires reçoivent leur chapitre avec copie de documents et photos.

6. Finalement, pourquoi ne pas parler de l’exode et des déportés ?

7. Inévitablement, cela mène Guy Antoine et Geneviève Lusiaux à parler des déportés à Acoz, puisqu’un camp de prisonnier avait été établi par les Allemands dans les usines de Moncheret. Des 40 détenus, six Italiens mourront de privation. Ils sont enterrés dans le cimetière local.

8. Les auteurs se laissent alors entraînés par leur élan et évoquent l’histoire des usines de Moncheret, puis celle des moulins et des forges acoziennes. «On y trouvait le cycle complet: le four à coke, le four à chaux, l’aciérie, les laminoirs, la fonderie, le haut-fourneau!»

9. Pour lier le tout, évoquons alors les origines d’Acoz, puis les deux grandes familles qui ont permis le développement du village. Les de Dorlodot et les Pirmez ! De là, on ne peut passer sous silence la présence de deux congrégations religieuses, chacune étant soutenue par l’une des familles nobles locales.

10.La guerre 1914, évidemment, y est réexpliquée dans les grandes lignes, en rappelant le contexte, le passage et la retraite des Français puis l’arrivée des Allemands.

In fine, l’ensemble nous donne une véritable bible sur la localité. Un état des lieux d’il y a un siècle, indispensable dans les foyers locaux!

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Passionnés de généalogie, les deux auteurs expliquent que leur science ne consiste pas seulement à relever des dates au sujet des morts.
La preuve est ici en 256 pages: de ces recherches découlent des anecdotes, des histoires, des débats toujours bien vivaces, eux!

«C’est pour cela qu’un vrai généalogiste ne se contentera pas de relever un arbre sur internet. Il sentira le besoin d’aller palper le papier officiel, de lire une lettre ou un document évoquant la vie de l’un ou de l’autre. Inévitablement, sans savoir pourquoi, des aïeux que l’on n’a pas connus nous touchent, on les aime. C’est ça qui nous guide!»

Si le livre comporte de nombreuses notes généalogiques, on y épinglera toutefois, cachées entre ascendances et actes de naissances, quelques anecdotes poignantes.

«Il y a celle de ce soldat, Théophile Legendre, qui a combattu toute la guerre sans se faire tuer. 51 mois au front et il en réchappe. Puis il meurt un mois avant la fin du conflit, d’une pneumonie, relate Guy Antoine. Un autre se marie puis monte au front et meurt six mois plus tard.»

Un an après son décès, l’administration militaire cherche le corps d’un autre acozien, Jean Joseph Bolle. «Le corps se trouve toujours à 800 mètres au N.O. du pont de Schildeburg. Terrain encore inondé et devant les lignes allemandes où il est impossible d’approcher», rétorque son officier.

Une large part est aussi consacrée à la famille Pirmez et au soutien qu’elle a apporté à la population locale durant le deuxième conflit mondial. On trouve alors de nombreuses photos inédites, mises à disposition des auteurs par Marie-Louise et Guy Pirmez, depuis le Brésil. Celui-ci, 90 ans, a relaté l’arrestation de Hermann Pirmez d’une manière émouvante. «Le château était très ouvert au village durant la guerre, note Geneviève Lusiaux. Chaque famille a pu disposer d’un lopin de terre à cultiver, pendant le conflit. Et des distributions de soupe y étaient organisées.»

La parution de tels livres coûte cher: «Certaines données ne sont disponibles qu’en payant des droits. Les recherches coûtent aussi. Et il faut ensuite financer la publication, sur un papier de qualité. Heureusement, nous avons pu compter sur la collaboration d’Alain Guillaume, d’Acoz, passionné par l’histoire de son village, qui a accepté d’endosser le risque financier d’une publication. Sans lui, cela n’aurait pas été possible», commentent les auteurs.